Tomomi YANO

Grandeur nature 
Extrait de l’exposition avec Olivier Aubry

Biographie

Née en 1975  à Shizuoka, Japon/
Vit et travaille à La Madeleine, proche de Lille.

depuis 2013 Assistante d’Olivier AUBRY
1993 – 1997 École d’arts de Musashino – Peinture à l’huile. Tokyo. Japon
Exposition
2020 “Grandeur nature”  avec Olivier AUBRY. GALERIE 48, Lyon
Renouveau

L’œuvre de Tomomi Yano célèbre la dualité. Ses petites toiles font dialoguer sans conflit passé et devenir, visible et invisible, intime et public, permanence et éphémère, trésor et déchet, matériel et immatériel, achevé et partiel, perfection et imperfection. De même, elle est à la fois artiste et assistante d’artiste, au point de faire de ce double statut la source de son travail. Des peintures d’Olivier Aubry mises au rebut, elle récupère les squames – de fragiles lamelles d’une riche matière picturale – et leur donne une seconde vie.

A l’écoute de son enfant intérieur, l’artiste devient alchimiste et fait œuvre à partir de ces résidus. Répandus au sol, elle voit une plage où cueillir des coquillages. À partir des extraits d’une histoire désormais illisible, la rêveuse imagine un nouveau récit aussi évocateur qu’énigmatique. Mélangés par dizaines, ils sont un gisement où elle joue à dénicher les joyaux bruts qui vont inspirer ses œuvres. Avec le choix d’une relique, la nouvelle composition s’impose à elle, tel un songe éveillé fulgurant. Dans ses carnets préparatoires, un croquis en fait trace, sans repentir ; puis vient la création de la pièce finale elle-même. Chaque œuvre est le fruit d’un travail minutieux qui tisse des vides généreux et des traits choisis – fils tendus ou dessins à main levée – autour de l’écaille de peinture recyclée et ciselée avec parcimonie.

Il nous semble alors que l’art de Tomomi Yano est cousin de l’ikebana – qui, pour citer Barthes, n’est pas tant un art des fleurs, qu’un art de la « circulation de l’air » entre des fleurs – et puise son essence dans un héritage japonais, en partie inconscient, où se mêleraient le ma – célébration du vide chargé de sens en tant qu’intervalle spatial et temporel qui réunit autant qu’il sépare deux subjectivités –, le wabi-sabi – une éthique qui prône le retour à une sobriété paisible où l’on peut reconnaître et ressentir la beauté des choses imparfaites, éphémères et modestes – ou encore le kintsugi – une philosophie réparatrice qui prend en compte le passé de l’objet abimé, et où ses failles sont soulignées d’or au lieu de les masquer.

Ici, le « presque rien » produit tout un univers : des paysages dont on ne saurait dire l’échelle, l’éloignement ou la proximité. Une poésie qui parle de pluies parfaitement parallèles, d’un bain immaculé parsemé de mondes complexes, de troupeaux fantomatiques, d’horizons multiples, de formes vides en miroir des mêmes pleines, de petites planètes avec ou sans volcan… on croirait entendre le chant d’un enfant, à moins que ce ne soit son rire.

Thierry Dupas